
Contrairement à l’idée reçue, le principal obstacle à la croissance durable au Canada n’est pas le coût ou la technologie, mais bien notre propre logiciel mental collectif.
- Les modèles d’économie circulaire et les entreprises vertes démontrent déjà que la rentabilité et l’écologie sont compatibles.
- L’impact individuel devient exponentiel lorsqu’il passe des « petits gestes » à des actions systémiques comme l’investissement durable et l’activisme actionnarial.
Recommandation : Auditer son propre impact, non pour culpabiliser, mais pour identifier où une action ciblée (investissement, consommation, engagement) aura le plus grand effet de levier pour transformer le système.
Entre les manchettes alarmantes sur le climat et les impératifs de performance économique, l’idée d’une « croissance durable » au Canada ressemble souvent à un oxymore, un idéal lointain réservé aux discours politiques. Pour l’entrepreneur, l’investisseur ou le simple citoyen, le dilemme est constant : faut-il choisir entre la prospérité et la planète ? On nous parle d’acheter des produits locaux, de recycler davantage, de choisir des fonds d’investissement « verts », mais ces actions semblent souvent dérisoires face à l’ampleur du défi. Cette approche fragmentée nous laisse avec un sentiment d’impuissance, comme si la seule voie possible était un compromis insatisfaisant.
Mais si la véritable clé n’était pas dans la multiplication de petits gestes ou dans l’attente d’une technologie miraculeuse ? Et si le principal frein à un modèle économique viable et écologique n’était pas financier, mais psychologique ? Cet article propose de renverser la perspective. Nous allons explorer comment les solutions les plus puissantes pour un avenir durable au Canada ne sont pas seulement technologiques ou politiques, mais résident avant tout dans une refonte de nos modèles d’affaires, de nos biais cognitifs et de notre définition même de la valeur. Il ne s’agit pas de rêver à une utopie, mais d’analyser les stratégies concrètes qui prouvent déjà qu’un autre modèle est non seulement possible, mais aussi éminemment rentable.
Pour naviguer à travers les différentes facettes de ce nouveau paradigme économique, voici les grands thèmes que nous allons décortiquer. Chaque section explore une pièce maîtresse du puzzle, des modèles d’affaires circulaires aux mécanismes de la finance verte, en passant par les barrières psychologiques qui nous empêchent d’avancer.
Sommaire : Déchiffrer le nouveau modèle économique durable du Canada
- L’économie circulaire : la solution canadienne pour en finir avec le « fabriquer, utiliser, jeter »
- Taxe carbone ou marché du carbone : le choc des modèles pour sauver le climat au Canada
- Le vrai frein à la croissance durable au Canada n’est pas technologique, il est dans nos têtes
- Elles prouvent que l’écologie est rentable : les championnes canadiennes de la croissance verte
- Investir pour la planète sans sacrifier le rendement : la méthode pas à pas
- Le mythe du surcoût écologique : construire vert est-il vraiment plus cher ?
- Le mythe des petits gestes : pourquoi se concentrer sur l’ampoule vous fait oublier l’avion
- Votre empreinte carbone personnelle : le guide complet pour la calculer, la comprendre et la réduire drastiquement
L’économie circulaire : la solution canadienne pour en finir avec le « fabriquer, utiliser, jeter »
Le modèle économique linéaire qui a prévalu pendant plus d’un siècle est à bout de souffle. Son principe – extraire, fabriquer, consommer, puis jeter – est la source même de l’épuisement de nos ressources et de l’accumulation de déchets. L’économie circulaire propose une rupture radicale avec ce schéma. Il ne s’agit pas simplement de mieux recycler, mais de repenser l’ensemble du cycle de vie d’un produit, de sa conception à sa fin de vie, pour éliminer la notion même de « déchet ». Au Canada, cette transition n’est plus une théorie, mais une stratégie économique quantifiable. Les projections gouvernementales estiment que l’adoption d’une économie circulaire pourrait générer des bénéfices considérables, incluant une réduction de la pollution par le carbone de 1,8 million de tonnes, la création de milliards de dollars de revenus et la naissance d’environ 42 000 emplois.
Ce changement de paradigme est déjà à l’œuvre dans des secteurs que l’on pensait rigides. Loin d’être une contrainte, la circularité devient un avantage compétitif. Un exemple frappant est celui de Toyota Canada.
Étude de cas : Toyota Canada et la rentabilité du « zéro déchet »
Dans ses usines de Cambridge et Woodstock, le géant de l’automobile maintient un taux de valorisation des déchets de plus de 90 %, et ce, depuis 2006. Grâce à des systèmes sophistiqués de recyclage, de compostage et de réutilisation des matériaux, ce qui était autrefois un coût (la gestion des déchets) est devenu une source d’efficacité. Cet exemple démontre que la circularité est non seulement viable à grande échelle dans le secteur manufacturier, mais qu’elle est aussi un levier de performance opérationnelle et d’image de marque.
Comme le soulignent Circular Economy Leadership Canada (CELC) et le Conseil de l’innovation circulaire dans leur plan d’action, le succès de cette transition repose sur une collaboration étroite entre tous les acteurs.
L’économie circulaire offre la possibilité de réorienter l’économie canadienne vers des objectifs de prospérité qui respectent les engagements environnementaux et les valeurs sociales nécessite des actions collectives de la part de toutes les parties prenantes : le gouvernement, les entreprises et la société civile.
– Circular Economy Leadership Canada (CELC) et Conseil de l’innovation circulaire (CIC), Plan d’action pour une économie circulaire au Canada
L’enjeu est donc de passer d’initiatives isolées à une mise en œuvre systémique, où chaque produit est conçu pour être réparé, réutilisé ou remanufacturé, créant ainsi une boucle de valeur vertueuse.
Pour bien saisir comment ce modèle transforme la notion de déchet en ressource, il est utile de revoir .
Taxe carbone ou marché du carbone : le choc des modèles pour sauver le climat au Canada
Donner un prix à la pollution par le carbone est reconnu mondialement comme l’un des outils les plus efficaces pour inciter les entreprises et les citoyens à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Au Canada, cette approche n’est pas monolithique; elle se décline principalement en deux grands modèles qui coexistent : la taxe carbone (ou redevance sur les combustibles) et le marché du carbone (ou système de plafonnement et d’échange). Le premier impose un coût direct sur chaque tonne de carbone émise, tandis que le second fixe un plafond d’émissions total et permet aux entreprises d’échanger des « droits à polluer ». Chacun a ses avantages et ses détracteurs, mais leur objectif commun est de rendre la pollution plus coûteuse que l’innovation verte.
Selon Rick Smith, président de l’Institut climatique du Canada, ces mécanismes sont absolument centraux dans la stratégie climatique du pays.
La tarification du carbone industriel est la politique la plus importante au Canada pour réduire les émissions de gaz à effets de serre et bâtir une économie propre mais aussi compétitive à l’échelle internationale. Les systèmes de tarification du carbone industriel au pays, s’ils sont maintenus, permettront une réduction des émissions plus importante que toute autre politique d’ici 2030.
– Rick Smith, Président de l’Institut climatique du Canada, Institut climatique du Canada
La mise en application de la tarification du carbone varie considérablement d’une province à l’autre, créant une mosaïque de politiques. Certaines provinces, comme la Colombie-Britannique, ont leur propre taxe depuis des années, tandis que d’autres, comme le Québec, participent à un marché du carbone conjoint. Celles qui n’ont pas de système jugé équivalent se voient appliquer le système fédéral. Cette diversité d’approches permet d’adapter l’outil au contexte économique local, mais elle complexifie aussi le paysage réglementaire pour les entreprises nationales.
Le tableau suivant offre un aperçu simplifié de la répartition des principaux systèmes de tarification du carbone à travers le Canada, illustrant la complexité et la diversité des approches adoptées.
| Province/Territoire | Système de tarification du carbone | État/Détails |
|---|---|---|
| Colombie-Britannique | Taxe carbone provinciale | 40$/tonne (depuis 2019) |
| Québec | Marché du carbone (cap-and-trade) | 22,40$/tonne (au moment de la dernière mise à jour) |
| Ontario | Système fédéral | Redevance fédérale sur les combustibles |
| Alberta | Système fédéral | Redevance fédérale sur les combustibles |
| Autres provinces | Systèmes variés | Fédéral, provincial ou cap-and-trade selon la juridiction |
Le débat ne porte donc plus tant sur la pertinence de tarifer le carbone, mais sur la manière de le faire de façon équitable et efficace, en stimulant l’innovation sans nuire à la compétitivité économique du pays sur la scène internationale.
Comprendre les nuances entre ces deux approches est essentiel pour évaluer .
Le vrai frein à la croissance durable au Canada n’est pas technologique, il est dans nos têtes
Alors que nous débattons des mérites de la taxe carbone ou des technologies vertes, nous oublions souvent l’acteur le plus imprévisible : le cerveau humain. La transition écologique se heurte à des barrières psychologiques puissantes qui freinent le changement, même lorsque les solutions sont à portée de main. Des biais cognitifs bien connus, comme le biais de statu quo (notre préférence pour la situation actuelle), l’optimisme irréaliste (la croyance que les problèmes se résoudront d’eux-mêmes) ou notre tendance à privilégier les gains à court terme, expliquent en grande partie notre inertie collective.
Un phénomène particulièrement pertinent est « l’effet rebond ». Comme le souligne Clément Figueras de Stoutz, même des politiques bien intentionnées peuvent avoir des effets pervers. Il explique que les politiques environnementales peuvent se heurter à deux écueils : l’effet rebond et une demande d’essence inélastique. Concrètement, si vous achetez une voiture plus écoénergétique, vous pourriez être tenté de l’utiliser plus souvent, annulant ainsi une partie des gains écologiques. C’est une illustration parfaite de la manière dont notre comportement peut saper les avancées technologiques.
Ces barrières sont renforcées par un imaginaire collectif canadien historiquement lié à l’abondance et à l’exploitation des ressources naturelles. Changer de cap demande plus qu’une nouvelle technologie ; cela exige un changement de récit national. Certains économistes vont même plus loin en modélisant des scénarios de « décroissance » pour prouver que la prospérité n’est pas nécessairement synonyme de croissance infinie du PIB.
Étude de cas : Le scénario de décroissance de Peter Victor
L’économiste canadien Peter Victor a modélisé un scénario audacieux pour le Canada : un retour du PIB par habitant en 2035 à son niveau de 1976. Loin d’être une vision apocalyptique, son modèle a montré que cette trajectoire pourrait entraîner une réduction des émissions de CO2 de 78 % tout en diminuant les dépenses publiques de 25 %. Ce travail, bien que radical, prouve qu’il est possible de quantifier des modèles de prospérité alternatifs qui déconnectent le bien-être de la simple accumulation matérielle.
Reconnaître ces freins psychologiques et culturels est la première étape pour les surmonter. La croissance durable ne se fera pas en ignorant la nature humaine, mais en concevant des politiques et des modèles d’affaires qui travaillent avec nos biais, plutôt que contre eux. Il s’agit de rendre le choix durable non seulement possible, mais aussi facile, désirable et socialement valorisé.
Analyser ces barrières invisibles est crucial pour comprendre pourquoi le véritable obstacle à la transition est dans notre logiciel mental.
Elles prouvent que l’écologie est rentable : les championnes canadiennes de la croissance verte
L’idée que la protection de l’environnement est un frein à la rentabilité est une conception dépassée. Partout au Canada, une nouvelle génération d’entreprises, les « championnes de la croissance verte », démontre chaque jour le contraire. Elles ne se contentent pas de réduire leur impact négatif ; elles construisent leur modèle d’affaires sur la résolution de problèmes environnementaux, transformant les défis écologiques en opportunités économiques. Ces entreprises innovent dans des secteurs variés, de la gestion des déchets à l’énergie solaire, et prouvent que la durabilité est un puissant moteur de croissance et de compétitivité internationale.
Le soutien à ce secteur est d’ailleurs devenu une priorité stratégique, comme en témoigne l’engagement d’Exportation et développement Canada (EDC). Selon l’organisation, depuis 2012, EDC a offert plus de 28 milliards de dollars en soutien financier à plus de 400 entreprises de technologies propres pour les aider à se développer à l’international. Deux exemples illustrent parfaitement ce dynamisme.
Étude de cas : Viridis Terra et Silfab Solar
Fondée au Québec, Viridis Terra se spécialise dans la restauration de terres dégradées par l’activité industrielle. Son approche innovante redonne vie aux écosystèmes tout en créant de la valeur. L’entreprise opère aujourd’hui du Canada à l’Afrique de l’Ouest, prouvant que la régénération environnementale est un modèle d’exportation viable. De son côté, Silfab Solar, basée en Ontario, est devenue un leader nord-américain dans la fabrication de panneaux solaires à haute efficacité. Depuis sa création, l’entreprise estime que ses produits ont permis d’éviter l’émission de 6,6 mégatonnes de carbone. Ces deux entreprises incarnent une nouvelle forme de capitalisme où le profit et la planète ne sont plus en opposition.
Ces succès ne sont pas anecdotiques. Ils signalent une transformation profonde de l’économie. Les investisseurs, les gouvernements et les consommateurs sont de plus en plus conscients que les entreprises qui intègrent la durabilité au cœur de leur stratégie sont mieux positionnées pour l’avenir. Elles sont plus résilientes face aux risques climatiques, plus attractives pour les talents et souvent plus innovantes. Les championnes de la croissance verte ne sont pas seulement en train de sauver la planète ; elles sont en train de construire l’économie canadienne de demain.
L’existence de ces entreprises pionnières est la preuve tangible que .
Investir pour la planète sans sacrifier le rendement : la méthode pas à pas
Pour l’investisseur soucieux de son impact, le monde de la finance durable peut sembler complexe et truffé de « greenwashing » (écoblanchiment). Pourtant, orienter son capital vers des entreprises qui contribuent positivement à la transition écologique est l’un des leviers les plus puissants pour accélérer le changement. Il ne s’agit pas de philanthropie, mais d’une stratégie d’investissement à part entière qui reconnaît que les entreprises durables sont souvent mieux gérées et plus résilientes à long terme. La clé est de savoir comment naviguer dans cet écosystème pour aligner ses valeurs et ses objectifs financiers.
Une des voies les plus directes pour un investisseur, même modeste, est de participer à l’activisme actionnarial. Ce mécanisme permet aux actionnaires de déposer des propositions lors des assemblées générales pour influencer la stratégie d’une entreprise sur des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Au Canada, cette tendance est en pleine explosion : en 2024, 81% des propositions d’actionnaires portaient sur des facteurs ESG. Cela démontre que les investisseurs exigent désormais des comptes et utilisent leur pouvoir pour pousser les entreprises vers des pratiques plus durables.
Cependant, pour investir efficacement, il est crucial de savoir déceler le vrai du faux. Le greenwashing consiste pour une entreprise ou un fonds d’investissement à se donner une image écologique trompeuse. Pour éviter de tomber dans ce piège, une analyse rigoureuse est nécessaire. La grille de vérification suivante propose des étapes concrètes pour évaluer la crédibilité des prétentions écologiques d’un fonds d’investissement.
Votre plan d’action : Grille d’analyse anti-greenwashing pour les fonds d’investissement
- Cohérence du nom : Vérifiez que le nom du fonds (ex: « Fonds Climat ») reflète réellement ses objectifs d’investissement ESG déclarés dans sa documentation officielle.
- Stratégie concrète : Examinez les stratégies précises utilisées pour évaluer les facteurs ESG. Une simple mention d' »intégration ESG » sans processus clair est un drapeau rouge.
- Mesures quantifiables : Recherchez des mesures chiffrées d’impact (ex: réduction des émissions de CO2 du portefeuille), pas seulement des déclarations qualitatives et vagues.
- Analyse du portefeuille : Comparez les principaux titres détenus par le fonds avec ses promesses. Un fonds « vert » fortement investi dans des énergies fossiles est suspect.
- Transparence des rapports : Consultez les rapports de divulgation ESG. Un gestionnaire sérieux fournira des informations détaillées et transparentes sur ses décisions et ses résultats.
En adoptant une approche méthodique et critique, il est tout à fait possible de construire un portefeuille qui génère un rendement financier solide tout en contribuant à financer les solutions aux défis climatiques. L’investissement durable n’est plus une niche, mais une composante essentielle de la finance moderne.
Maîtriser ces outils d’analyse est la première étape pour devenir un investisseur qui aligne capital et convictions.
Le mythe du surcoût écologique : construire vert est-il vraiment plus cher ?
L’un des freins les plus tenaces à l’adoption de pratiques durables, notamment dans le secteur de la construction, est la perception d’un « surcoût écologique » prohibitif. Beaucoup de promoteurs et de particuliers pensent encore que construire un bâtiment écoénergétique ou certifié LEED est un luxe inaccessible. Pourtant, cette idée mérite d’être sérieusement nuancée. Si un investissement initial plus élevé peut être nécessaire, une analyse sur le cycle de vie complet du bâtiment révèle souvent une réalité économique bien plus favorable.
Le secteur du bâtiment n’est pas un acteur mineur dans l’équation climatique. Selon le gouvernement du Canada, les bâtiments représentent 18% des émissions nationales, ce qui en fait le troisième secteur le plus émetteur. La modernisation et la construction de bâtiments plus verts sont donc des leviers d’action absolument cruciaux pour atteindre les objectifs climatiques du pays. Au Québec, par exemple, le passage à une maison unifamiliale prête pour la consommation nette zéro représente un surcoût d’environ 30 000$. Ce chiffre, bien que significatif, doit être mis en perspective.
Le véritable calcul de rentabilité ne s’arrête pas au coût de construction, mais doit inclure le coût total de possession, qui englobe les dépenses d’exploitation (chauffage, électricité) sur plusieurs décennies.
Étude de cas : Le coût total de possession des bâtiments LEED
Alors que les premiers projets de bâtiments certifiés LEED affichaient un surcoût pouvant atteindre 10 à 20 %, l’expertise et la démocratisation des matériaux ont changé la donne. Aujourd’hui, un bâtiment certifié LEED (niveaux Certifié ou Argent) peut être construit pour un coût initial très proche de celui d’un bâtiment conventionnel. Le véritable avantage se révèle sur le long terme : les économies d’énergie annuelles, qui peuvent être substantielles, viennent compenser, voire largement dépasser, l’investissement initial. En d’autres termes, le « surcoût » est en réalité un investissement qui génère des retours financiers année après année.
L’équation est donc simple : payer un peu plus cher aujourd’hui pour payer beaucoup moins cher demain. En plus des économies directes, les bâtiments verts offrent des avantages indirects non négligeables, comme une meilleure qualité de l’air intérieur, un plus grand confort pour les occupants et une valeur de revente plus élevée. Le mythe du surcoût s’effrite lorsqu’on adopte une vision à long terme, transformant la construction verte d’un centre de coût à un investissement intelligent.
Cette analyse du coût complet est essentielle pour déconstruire les idées reçues sur la rentabilité de la construction durable.
À retenir
- La transition vers une économie durable au Canada dépend moins de l’invention de nouvelles technologies que de l’adoption de nouveaux modèles d’affaires (économie circulaire) et d’un changement de nos mentalités.
- Les barrières psychologiques (biais de statu quo, effet rebond) et culturelles sont des freins aussi importants que les obstacles financiers, et doivent être adressées de front.
- L’action individuelle gagne en puissance lorsqu’elle passe de gestes symboliques à des leviers systémiques, comme l’investissement durable, l’activisme actionnarial et le choix de modes de vie à fort impact (transport, logement, alimentation).
Le mythe des petits gestes : pourquoi se concentrer sur l’ampoule vous fait oublier l’avion
L’appel aux « petits gestes » écologiques a dominé le discours environnemental pendant des décennies. Trier ses déchets, éteindre les lumières, utiliser des sacs réutilisables… Ces actions, bien que positives, entretiennent un mythe dangereux : celui que la somme de ces micro-actions suffira à résoudre une crise systémique. Cette focalisation sur des gestes à faible impact peut même être contre-productive, en nous donnant une bonne conscience à peu de frais et en détournant notre attention des actions qui comptent vraiment. Il est temps de changer d’échelle et de passer d’une logique de « petits gestes » à une stratégie d' »impact maximal ».
Comme le soulignent les sociologues Sophie Dubuisson-Quellier et Dominique Méda, la responsabilité ne peut reposer uniquement sur l’individu isolé. Leur analyse met en lumière que ce qui limite les actions individuelles n’est pas l’absence de volonté, mais l’absence de dispositifs collectifs qui les rendent possibles. Il est en effet difficile de moins prendre sa voiture sans transports en commun efficaces, ou de réduire sa consommation de viande si l’offre alternative est inaccessible ou trop chère. L’action individuelle est nécessaire, mais elle doit s’inscrire dans une transformation des structures sociales et économiques.
Pour agir efficacement, il faut donc comprendre la hiérarchie de l’impact. Toutes les actions ne se valent pas. Une analyse de l’empreinte carbone moyenne d’un Canadien révèle un ordre de grandeur très clair.
Étude de cas : Hiérarchie de l’impact des actions individuelles au Canada
Les données sur l’empreinte carbone au Québec et au Canada sont sans appel. Les actions individuelles les plus transformatrices sont, par ordre d’impact décroissant : 1) la réduction drastique des voyages en avion (impact très élevé), 2) l’amélioration de l’efficacité énergétique de son logement (impact élevé), 3) la transition vers une alimentation moins carnée (impact modéré à élevé), et 4) le choix d’un mode de transport quotidien sobre en carbone (impact modéré). En comparaison, des gestes comme le recyclage, bien qu’importants pour d’autres raisons, ont un impact minimal sur les émissions de GES. Le véritable pouvoir de l’individu réside donc dans ses choix de vie structurants.
L’enjeu n’est pas d’abandonner les petits gestes, qui sont une porte d’entrée vers la conscience écologique, mais de ne pas s’y arrêter. Ils doivent être le début d’un parcours qui mène à des changements plus profonds et, surtout, à une action collective. Car c’est en unissant nos forces, en tant que citoyens, consommateurs et investisseurs, que nous pourrons influencer les systèmes qui façonnent nos choix et rendre la vie durable non seulement possible, mais normale.
Pour agir de manière stratégique, il est crucial de comprendre .
Votre empreinte carbone personnelle : le guide complet pour la calculer, la comprendre et la réduire drastiquement
Calculer son empreinte carbone personnelle est devenu un exercice courant pour quiconque s’intéresse à son impact environnemental. Cet outil, qui quantifie les émissions de gaz à effet de serre liées à notre mode de vie, est un excellent point de départ pour prendre conscience de notre contribution au changement climatique. Cependant, il est essentiel de comprendre son origine et son utilisation pour en faire un véritable levier de changement plutôt qu’un simple instrument de culpabilisation. Historiquement, le concept a été largement popularisé par des campagnes d’entreprises du secteur de l’énergie, déplaçant habilement la responsabilité du problème des producteurs vers les consommateurs.
Aujourd’hui, l’approche a évolué. Calculer son empreinte ne vise plus à accabler l’individu, mais à lui fournir une « carte » personnalisée de son impact. L’objectif est d’identifier les postes les plus émetteurs (transport, logement, alimentation, consommation) pour savoir où concentrer ses efforts afin d’obtenir la réduction la plus significative. C’est un outil de diagnostic stratégique. Plusieurs calculateurs en ligne, adaptés au contexte canadien, permettent de réaliser cet exercice de manière plus ou moins détaillée.
Le tableau ci-dessous compare quelques-uns des outils les plus pertinents pour les résidents canadiens, chacun ayant ses propres forces et faiblesses.
| Calculateur | Avantages | Limitations |
|---|---|---|
| Carbone Boréal (Université du Québec à Chicoutimi) | Adapté à la réalité québécoise, offre compensation via plantation d’arbres, complet pour alimentation et déplacements | Principalement québécois |
| Carbon Footprint Calculator | Très détaillé, couvre achat de vêtements/produits, adapté par province pour mix énergétique | Plus complexe et long à compléter |
| Mon Climat et Moi | Interface simple, données canadiennes, comparaison avec moyenne canadienne | Moins de détail sur certains secteurs |
| Ministère de l’Environnement Québec – Jeunesse | Pédagogique, adapté aux enfants et familles, 18 questions simples | Moins complet que les autres outils |
Une fois le calcul effectué, le résultat doit être mis en perspective. Il ne s’agit pas d’atteindre un score parfait de zéro, ce qui est impossible dans notre société actuelle, mais d’amorcer une trajectoire de réduction. Cette démarche individuelle prend tout son sens lorsqu’elle nous amène à questionner les systèmes qui conditionnent nos émissions. Si mon empreinte liée au transport est élevée parce que je n’ai pas d’alternative à la voiture individuelle, le problème n’est plus seulement individuel, il devient politique et collectif, appelant à de meilleurs transports en commun ou à un urbanisme repensé.
Pour transformer cette prise de conscience en action efficace, il est fondamental de bien .
Questions fréquentes sur la croissance durable au Canada
La croissance économique est-elle compatible avec la durabilité?
Oui, c’est le postulat des approches de « croissance verte », qui misent sur l’innovation et l’efficacité pour découpler la croissance du PIB de l’impact environnemental. Cependant, un nombre croissant d’économistes remettent en question ce modèle, arguant qu’une véritable durabilité ne pourra être atteinte sans une transformation plus profonde de nos valeurs économiques et sociales, voire en envisageant des modèles de « post-croissance ».
Quels biais psychologiques ralentissent la transition écologique au Canada?
Plusieurs biais cognitifs majeurs freinent l’action. Le biais de statu quo nous fait préférer l’état actuel des choses, même s’il est insoutenable. L’optimisme irréaliste nous pousse à croire que la technologie ou « quelqu’un d’autre » résoudra le problème. Enfin, notre tendance à privilégier les bénéfices immédiats au détriment des coûts futurs rend difficiles les investissements à long terme nécessaires à la transition.
Comment l’identité canadienne affecte-t-elle l’adoption de modèles durables?
L’imaginaire collectif canadien est historiquement et profondément lié à l’idée d’une nature sauvage et de ressources naturelles quasi infinies. Cette identité, bâtie sur l’exploitation de ces ressources, peut constituer une barrière culturelle et psychologique à l’adoption d’un modèle basé sur la sobriété, la circularité et la régénération, une transition qui demande de redéfinir notre rapport à la nature.
Les petits gestes écologiques individuels ont-ils réellement un impact?
Oui, mais leur impact est souvent surestimé. Ils sont cruciaux comme point de départ pour une prise de conscience et pour créer une culture du changement. Cependant, ils sont insuffisants pour résoudre les enjeux climatiques à l’échelle requise. Leur véritable valeur est de servir de tremplin vers des actions à plus fort impact et, surtout, vers un engagement collectif pour influencer les changements systémiques.
Quel est le geste le plus impactant que peut poser un individu?
Selon les analyses de cycle de vie et les calculateurs d’empreinte carbone, les actions individuelles ayant le plus grand impact sont, dans l’ordre : la réduction des voyages en avion, l’amélioration de l’efficacité énergétique de son domicile, la transition vers une alimentation moins carnée, et l’adoption de modes de transport terrestre sobres en carbone. Ces choix structurants ont un impact bien supérieur à la plupart des « petits gestes » du quotidien.